Adieu, mon amour : quand le deuil d’un chat brise autant que celui d’un membre de la famille
- afleurdepatoune
- 30 janv.
- 5 min de lecture

« Ce n’est qu’un chat », « passe à autre chose »… C’est avec une facilité déconcertante qu’une triste majorité se permet de briser un peu plus le cœur déjà émietté d’une personne qui était attachée à son chat et vient de s’en séparer pour toujours.
Pour autant, chacun.e vit son deuil à sa manière, et le jugement ne devrait pas y trouver sa place. Que ce soit face à la perte d’un chat comme de n’importe quelle autre espèce d’ailleurs.
Certaines personnes vont même accorder plus d’importance à leur animal compagnon qu’à leurs proches humains.
Pour autant, ces valeurs ne trouvent pas leur origine au XXIe siècle :

Sans grande surprise, les chats de l’Égypte antique connaissaient un réel respect même après leur mort. Vénérés, ils étaient parfois momifiés, à l’instar des figures éminentes de la civilisation égyptienne. Il était courant de voir des chats réunis avec leurs humains dans les mêmes tombes pour leur permettre de n’être jamais séparés dans l’Au-Delà.
Un cimetière de chat et un sanctuaire (Per Bastet ou Boubastis) dédié à la déesse-chat Bastet a révélé un grand nombre de chats momifiés – probablement en offrande à la divinité, mais peut-être aussi pour l’implorer de veiller sur leurs compagnons ?
Si d’autres peuples pratiquaient des rites funéraires pour leurs animaux domestiques ou les enterraient avec leurs humains, le chat n’est que peu mentionné, au profit des chiens et des chevaux.
Cependant, de nos jours, le chat prend une place conséquente dans nos foyers et nos cœurs ; ces rites sont donc modernement adaptés au XXIe siècle pour nos compagnons félins.
Tout hommage est bon à pratiquer, selon les cultures et les préférences. Garder les colliers, des touffes de poil ; ou dans une petite boîte, des morceaux de griffes ou des moustaches que le chat a perdues au cours de sa vie.

Pour ma part, sensible au langage des plantes et à la nature, je mélange dans une fiole suspendue à mon cou les poils de mon chat avec des fleurs qui me rappellent mon défunt compagnon – son tempérament, ce qu’il m’a apporté de son vivant...
Une fleur en particulier revient d’ailleurs sur toutes les tombes : le chrysanthème. Une manière poétique, presque traditionnelle, d’orner le dernier refuge d’un être aimé. S’il a été choisi en France pour symboliser le deuil, notamment grâce à sa magnifique floraison coïncidant avec la Toussaint (donc le meilleur choix pour décorer les tombes en cette journée sacrée), elle apporte des messages beaucoup plus joyeux dans le reste du monde : longue vie, joie, amitiés. Et quel meilleur vœu pourrions-nous souhaiter à notre proche disparu que la paix, le repos et une belle réincarnation (pour celles et ceux qui y croient et l’espèrent) ?
Dans la culture néo-païenne, la traditionnelle célébration celtique de Samhain (prononcée « sah-ween »), célébrée début novembre, permet de rendre hommage à ses défunts à l’aide de rituels, de chants, d’autels décorés et autres pratiques très respectueuses et symboliques.
Mais le fait de rendre honneur aux défunts de manière festive, chaleureuse et richement décorée vient évidemment de Dia de los Muertos (le jour des Morts), fête mexicaine.
Entre l’attrait de certaines personnes pour le spirituel ; la culture populaire et le partage mondial sur les réseaux sociaux, de plus en plus de gens s’adonnent à ces rites et pratiques, notamment pour leurs animaux compagnons.
Certains artistes proposent leurs services pour satisfaire le besoin de rendre hommage au quotidien à son chat ou d’en garder un souvenir impérissable. C’est ainsi qu’on retrouve des peintures réalistes ou stylisées, ou même des bustes de coton grandeur nature dans des cadres.
Certaines personnes se tournent encore vers la taxidermie pour littéralement garder leur animal auprès d’eux, mais la pratique continue de créer un malaise général.
Des sites internet comme En mémoire de mon ami permettent aux gens d’ajouter d’y ajouter des photos et anecdotes sur leur animal compagnon et d’y trouver du soutien.
Selon la loi, il est interdit depuis 2016 d’enterrer son animal dans son jardin, à moins que l’animal de moins de 40kg soit enterré à 35m de toute habitation, loin d’un quelconque point d’eau, à 1m20 de profondeur, avec de la chaux vive. Autant dire qu’il devient compliqué de ne pas être hors-la-loi si on tient vraiment à enterrer son chat.
Des cimetières animaliers, bien que rares, sont installés en France. Mais, sans surprise, il faut se pointer avec un porte-monnaie bien rempli pour espérer apporter une dignité sans faille à son animal compagnon.
Car oui, l’inhumation des animaux compagnons reste un droit capital aux yeux de certains humains, qui espéraient même enterrer leur animal dans leur caveau familial. Ce genre de situation pouvait être rapidement pointée du doigt et considérée comme une atteinte à la dignité humaine. Il est donc interdit d’enterrer les humains et leurs animaux compagnons dans le même cimetière, ou d’apposer le nom de cet animal sur la pierre tombale.
Une dame âgée en Gironde avait émis comme dernière volonté d’être enterrée avec l’urne contenant les cendres de son chien.
Cette volonté lui a été refusée, suscitant l’indignation notamment du député Loïc Dombreval, qui émet une proposition de loi en 2022 visant à légaliser l'enterrement des animaux compagnons avec leurs propriétaires.
Si la proposition n’a pour le moment pas de suite, une enquête sur le site Woopets a révélé que 68 % des Français participant au sondage sont favorable à ce type de projet de loi.
Avec toutes ces contraintes, les décisions sont souvent portées vers l’incinération. Mais si le procédé est déjà coûteux lorsqu’il s’agit d’envoyer son animal se faire incinérer avec d’autres compagnons qui mélangeront leurs cendres, il l’est encore plus lorsqu’il s’agit de pouvoir récupérer les restes de son poilu !
La crémation prend alors une allure de business malsain, et qui aurait cru que la mort coûterait si cher ? De quoi s’en mordre les doigts pour des gens qui étaient malheureusement trop pauvres pour apporter des soins qui auraient pu sauver la vie de leur animal, mais qui doivent tout de même faire face à une note salée après sa mort…
Le deuil est par définition une période de douleur, négative, mais il peut être modelé autour du contexte de la disparition du chat, de l’environnement dans lequel l’humain se trouve, entre autres.
En tant que comportementaliste, j’ai vu beaucoup plus de chats enfermés que de chats vaccinés et/ou suivis régulièrement chez le vétérinaire. Car, il faut l’avouer, perdre un chat d’une maladie est terriblement douloureux, mais perdre un chat en bonne santé, qui avait toute la vie devant lui, sous les roues d’une voiture, est une épreuve d’une torture sans pareil…
Si les obsèques existent chez les humains, ce n’est pas pour rien. Nous nous réunissons pour parler de cette personne que nous avons connue, honorer sa mémoire, l’accompagner vers l’éternité, se soutenir… Cette pratique traditionnelle aide à vivre un deuil « sain », qui permet de prendre le temps de pleurer la perte, s’ouvrir à la parole et aux embrassades, se rapprocher.
Mais sans obsèques, sans ces traditions, il ne reste que le silence, les regrets, les « pourquoi elle » et les « si seulement », le sentiment d’injustice et parfois la solitude. Et dans des cas plus violents, les incivilités de certains membres du corps vétérinaire, ou l’entourage qui se permet des « ce n’est qu’un chat », « moi aussi j’en ai tué un, faut pas en vouloir à ce pauvre monsieur ». Le deuil peut rapidement se changer en période de traumatisme et de colère auto-destructrice.
Ne minimisons pas les sentiments de chacun, la violence du deuil que l’on subit.
En écrivant cet article, je réalise que j’ai la chance de vivre dans une période où l’humain et l’animal compagnon peuvent cohabiter en harmonie, que des interdictions vis-à-vis de nos poilus sont levées les unes après les autres, et que nous sommes à l’aube d’une époque où, enfin, le chat est reconnu comme un être sensible au lieu d’un meuble, et que son statut d’« animal méprisant » est enfin démenti au profit d’un compagnon apaisant.
Aimerais-tu pouvoir être enterré.e avec ton animal compagnon ?
Oui
Non
À la mémoire de Silver et Nemesis, mes rayons de soleil.









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